A puerta cerrada : l’enfer n’est pas celui qu’on
croit
LE 8
MARS 2013 14H18 | PAR
EMILIE CAILLEAU
Quel est le pire enfer : le lieu où on subit des tortures physiques ou
celui où on supporte son malheur et le jugement des autres ? Sartre a tranché :
« L’enfer, c’est les autres ». Serge Nicolaï
Des bourreaux ordinaires
Une
pièce d’un gris morne. Une chaise aussi triste que le décor. Et un homme qui ne
sait pas ce qu’il fait ici. Il est bientôt rejoint par deux femmes, qui ont
elles aussi droit à leur chaise. Pourquoi sont-ils enfermés ensemble ? Quel est
leur point commun à tous les trois ? Garcin, journaliste d’apparence douce,
Inés, employée de la Poste d’une méchanceté mordante et Estelle, bourgeoise
narcissique et croqueuse d’hommes. Après les présentations vient le temps de la
cohabitation. Une cohabitation infernale…
C’est
donc ça l’Enfer, ce monde d’où personne ne revient jamais? Pas de flamme ni de
bourreau maléfique, mais des hommes. Chacun a emporté dans sa mort le boulet
des fautes commises sur Terre. Et la culpabilité est écrasée par le poids du
regard de l’autre à en devenir étouffante.
Le bourreau c’est chacun de nous pour les deux autres
La
vision de l’enfer selon Sartre a quelque chose de glaçant et de dérangeant,
parce qu’elle a gardé tout son sens dans la société actuelle. Le regard
inquisiteur des autres, nous le subissons tous les jours, constate Serge
Nicolaï, metteur en scène de la pièce et acteur au Théâtre du Soleil à la
Cartoucherie. « Nous vivons aujourd’hui dans une société où le regard de
l’autre sur notre propre vie prend un sens paroxiste. La télévision, son flux
d’images et d’actualités et ce que cela nous renvoie du monde et des autres,
pour moi aujourd’hui, c’est le prisme de l’enfer ».
Un huis clos où les acteurs se mettent à nu
Présenter
un texte de Sartre par des acteurs argentins, cela s’est imposé comme une
évidence à Serge Nicolaï : « Lorsque Timbre 4, compagnie de théâtre
indépendante argentine, m’a proposé de monter un spectacle dans son lieu de
résidence à Buenos Aires, j’ai tout de suite pensé à Huis Clos. [...] Sans
doute ai-je senti que ces acteurs argentins avaient un rapport au jeu d’une
telle liberté, un rapport à leur pratique d’une grande curiosité …] que ce
texte offrait un support idéal, qui engageait immédiatement leurs états, leur corps
et donc leurs plaisirs d’acteurs ». Et son instinct avait raison. Les
quatre acteurs jouent sans filet. Ils habitent tellement leurs personnages
qu’on partage avec eux leurs angoisses et leurs tourments.
No hay comentarios:
Publicar un comentario